LES FONDS MONETAIRES...
Un peu d’histoire…
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Les rendements nominaux stagnent depuis 2008.
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Les rendement réels (ie. Inflation déduite) sont négatifs depuis 2009. La perte de pouvoir d’achat cumulée à 2015 atteint 5%. La problématique des rendements (réels) négatifs sur le monétaire n’est donc pas nouvelle.
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Elément nouveaux : les taux d’intérêt négatifs finissent par être répercutés sur les épargnants. Les sociétés de gestion ne pouvant plus réduire davantage leurs frais de gestion. Le principe de réalité reprend donc le dessus et met en évidence que le fonds monétaire ne protège plus strictement ni en termes réels, ni en termes nominaux le capital.
Comment en sommes nous arrivés là ?
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Depuis la crise, croissance et inflation sont faibles (proche de 0%). Le mandat de la Banque Centrale Européenne (BCE) est d’atteindre une inflation légèrement inférieure à 2%. Le compte n’y étant pas, la BCE se doit de mener une politique monétaire très accommodante et emploie pour ce faire des mesures non conventionnelles (taux négatifs, opérations de refinancement long terme pour les banques, achats d’obligations longues…) auxquelles elle n’avait jamais eu recours jusqu’à la crise de 2008.
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L’objectif de la BCE est de « taxer » la liquidité pour contraindre les investisseurs à prendre plus de risques pour trouver du rendement, faire baisser le loyer de l’argent, pousser les banques à prêter et les entreprises à investir.
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A terme, la relance de l’activité devrait entrainer des tensions sur les salaires et sur les prix et donc de l’inflation. Malheureusement, ces efforts sont contrecarrés par :
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des éléments structurels : les réglementations Solvency II pour les assureurs et Bale III pour les banques leur imposent des ratios de solvabilité plus exigeants et encouragent donc une réduction des risques
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des facteurs conjoncturels puissants : la baisse des prix de l’énergie et des matières premières fait baisser les coûts de production et l’inflation.
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Des actions supplémentaires sont donc à attendre de la part de la BCE. Nous n’en avons pas fini avec les taux monétaires durablement bas, voire négatifs.
Existe-t-il des marges pour améliorer les performances du monétaire ?
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Tout a déjà été fait. La marge de manœuvre pour améliorer la performance des fonds monétaires est quasi inexistante. Les fonds ont déjà allongé la maturité de leurs investissements, augmenté leur vie moyenne et accru la part des notations les plus faibles (BBB)
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On pourrait essayer d’aller encore un peu plus loin dans cette direction mais :
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il faut rester dans les limites imposées par la réglementation
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le profil de risque est asymétrique : on ajoute du risque mais pour quasiment pas de rendement supplémentaire
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Il convient de s’interroger sur son horizon de placement et son appétit au risque pour s’assurer que le monétaire est le bon vecteur d’investissement. Une fois ces préalables vérifiés, il faut reconnaître cette asymétrie entre rendements et risques du fait des biais induit par la politique monétaire de la BCE et savoir se satisfaire des faibles rendements. La performance d’un fonds monétaire ne doit pas être comparée à celle d’un fonds obligataire ou action : ils n’ont pas la même vocation.
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Les sociétés de gestion ont comprimé au maximum les frais qu’elles prélèvent. Le fait de prélever ou non les frais de gestion n’enrayera pas la baisse des rendements du monétaire, ni n’empêchera les performances de franchir la frontière des rendements négatifs. Plutôt que de voir un risque de fuite, on devrait y voir une opportunité, celle de diversifier son épargne. Une bonne diversification est sans doute l’une des clés à la volatilité élevée et aux taux négatifs.
Quelle perception du monétaire dans les entreprises ?
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Selon les données publiées par l’AFG, le monétaire reste plébiscité par les salariés : Un tiers de encours diversifiés sont investis en monétaire. Un pourcentage qui a connu une forte augmentation après la crise de 2008, et alors que les performances du monétaire n’ont cessé de baisser depuis, les encours investis dans cette classe d’actifs sont néanmoins restés élevés.
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Le temps d’une rémunération sans risque est révolu. Il est cependant probable que bon nombre de salariés n’en soient pas conscients ce qui nécessite un important travail de sensibilisation. Il faut néanmoins garder à l’esprit que c’est l’argent des salariés et non de l’entreprise. Les dispositifs sont certes gérés par l’entreprise, car elle définit les placements par défaut ce qui créé une responsabilité, mais l’employeur ne saurait se substituer au salarié dans la décision d’investissement.
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Le placement monétaire est parfois aussi lié à un problème d’ignorance financière en France et d’aversion prononcée au risque. C’est là où l’employeur se doit de palier au mieux à ses biais sans se voir reprocher par le salarié d’investir sur tel ou tel support. Un équilibre toujours difficile à trouver.
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Par ailleurs, il ne faut pas non plus diaboliser le monétaire. Le monétaire reste indispensable dans une gamme de fonds. C’est encore la solution la moins risquée pour les plus averses au risque. Avec les exonérations fiscales et sociales et, éventuellement, un abondement, cela peut constituer un investissement tout à fait rationnel.
Comment les sensibiliser et les alerter sur les perspectives du monétaire ?
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Il est fort probable que les salariés surestiment encore la performance du monétaire.
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Pour une entreprise, autant il serait anormal de conseiller les salariés dans leurs placements, autant il est de sa responsabilité de faite en sorte que ces derniers soient informés. Ainsi le teneur de compte peut véhiculer l’information depuis son site internet, et l’entreprise le relayer via l’intranet maison. Il faut malheureusement avoir conscience que seule une partie de la population est touchée.
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Le fait d’avoir une gamme bien délimitée, la possibilité de faire des arbitrages, et l’existence de fonds alternatifs dans la gamme sont autant de points à mettre en avant dans la communication vers les salariés.
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Coté teneur de compte : la sensibilisation passe par la multiplication des supports de communication (vidéos sur les classes d’actifs, information régulière, présentations sur site). C’est assurément un domaine où tout le monde peut progresser, d’autant que le besoin d’être informé et de comprendre est encore plus important aujourd’hui qu’hier.
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On voit également émerger avec la technologie des « robo-advisors ». L’idée peut sembler séduisante et peut d’ailleurs l’être. Attention toutefois aux paramètres que l’on intègre dans ces robots (performances passées ou anticipées ?....) et à la compréhension que pourront en avoir les salariés. Le robo-advisor pourra éventuellement être d’une aide précieuse à la condition que l’utilisateur en comprenne les limites ce qui paradoxalement nécessite une culture économique et financière plutôt poussée. Enfin, n’oublions pas que ce n’est pas parce que l’on dématérialise le conseil que l’on n’en fait pas. Il faut rester très prudent et chaque teneur de compte pourra avoir une position différente sur le sujet qui dépendra de son contrôle des risques interne.
Quelle est la fonction du monétaire ?
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Afin de déterminer s’il existe des alternatives au monétaire, encore faut-il savoir à quoi il sert.
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Historiquement, c’était un placement supposé sécurisé qui permettait au salarié d’avoir la certitude de retrouver son capital investi à la sortie.
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Si les taux d’intérêt négatifs tempèrent cette définition, le fonds monétaire reste le fonds le moins risqué, c’est à dire celui qui protège le mieux le capital.
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Il est très utile pour des placements à court terme et rassure dans un pays comme la France où la culture financière est peu développée.
Existe-t-il des solutions alternatives qui remplissent la même fonction que le monétaire?
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Il n’y a pas de solution strictement équivalente au monétaire qui permette de maintenir la valeur nominale de son placement a très court terme tout en offrant un rendement régulier. Toutefois, beaucoup de salariés n’ont pas un horizon aussi court terme.
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En revanche avec les rendements négatifs à court terme, le monétaire ne parvient plus lui même à remplir cette fonction. Le compte à terme est peut être la dernière option qui se rapproche le plus du concept monétaire mais il est rare que cette option soit offerte aux salaries dans les PEE.
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S’il n’existe pour ainsi dire pas d’alternatives au monétaire dans sa fonction originelle, il existe néanmoins des solutions qui permettent de générer un rendement tout en contrôlant étroitement le risque pour limiter la perte en capital.
Pourquoi les salariés investissent-ils en monétaire ?
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Beaucoup de salariés n’expriment pas de choix et investissent par défaut. A titre d’exemple révélateur, une grande société coté a observé qu’en moyenne sur 10 ans, 30% des salariés n’exprimaient pas leur choix.
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On peut imaginer qu’ils ne savent pas toujours bien pourquoi. Ils vivent sans doute dans le souvenir d’un placement historiquement sans risque et néanmoins rémunérateur.
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Dans cette même entreprise, le cas du PERCO est encore plus flagrant. Cette fois-ci, en gestion libre, et non par défaut, 60% des avoirs des 18-30 ans sont en monétaire, mais aussi près de 50% des avoirs de 30-60 ans. L’optique d’un déblocage anticipé pour cause d’acquisition de la résidence principale ne peut expliquer à lui seul une telle concentration sur le monétaire.
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Il y a manifestement comme un « malentendu ».
Bonnes et mauvaises raisons d’investir en monétaire ?
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Les bonnes raisons : L’épargnant recherche la sécurité maximale à court terme. Ses motivations peuvent être de : réduire le risque de son portefeuille en anticipation d’une baisse des marchés financiers, la sécurisation de son épargne dans l’optique d’un déblocage… Comme nous l’avons vu, il n’existe alors pas de véritable alternative au monétaire. De plus, le cadre social et fiscal avantageux, et l’abondement éventuel peuvent en faire un placement attrayant pour les adeptes du moindre risque.
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Les mauvaises raisons : L’épargnant veut une prise de risque minimale, mais dans une optique de moyen-long terme.
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Dans ce cas, il commet le plus souvent une erreur, car le monétaire ne lui apportera qu’une quasi protection de son capital
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Or, son objectif ne doit pas être la préservation du capital mais la préservation de son pouvoir d’achat.
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Le graphique ci-dessous illustre notre propos. De 1900 à 2015, en France, un capital de 100 aurait perdu en moyenne 25% de son pouvoir d’achat au bout de 5 ans, 44% au bout de 10 ans et plus de 50% au bout de 15 ans du fait de l’érosion monétaire.
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Si les allocations monétaires sont si importantes et étonnantes notamment dans le cas du PERCO où l’horizon d’investissement est théoriquement très long, c’est que la notion de risque n’est pas correctement perçue. Les salariés confondent à tort protection du capital (pertinente à court terme) et protection du pouvoir d’achat (pertinente à moyen-long terme).
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Compte tenu des niveaux de taux d’intérêts actuels et des anticipations qu’ils incorporent, à horizon 5 – 10 ans, le monétaire est probablement la classe d’actif la moins à même de protéger le pouvoir d’achat qui doit pourtant être l’objectif numéro un de la majorité des salariés.
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Se satisfaire de ne protéger que son capital lorsque l’on a un horizon de 5 ou 8 ans (comme l’épargnant type en épargne salariale), c’est ignorer l’essentiel. A moyen terme, l’épargnant en monétaire a de plus fortes chances de voir son pouvoir d’achat diminuer que s’il investi sur un fonds diversifié.
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Paradoxalement, un fonds diversifié de profil prudent à équilibré avec une allocation action de 20 à 30% par exemple maximise davantage les chances de maintenir et même d’accroitre le pouvoir d’achat à moyen terme qu’un fonds monétaire. Une allocation action permet d’investir sur un actif réel qui prémunie au moins en partie de l’érosion monétaire dans la durée.
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Il y a donc souvent confusion dans l’esprit des salariés entre le monétaire qui protège le capital à court-terme (1 ou 2 ans par exemple) et qui a toute sa raison d’être si tel est l’objectif que le salarié s’est fixé, et l’objectif de préservation du pouvoir d’achat à moyen terme qui s’applique vraisemblablement une majorité de salariés et pour lequel le fonds monétaire n’est probablement pas la bonne solution. Contrecarrer ce « réflexe » qui consiste à placer par prudence son épargne en monétaire nécessite donc beaucoup de pédagogie sur la notion et la nature du risque.
Comment vulgariser la notion de risque ?
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La notion de risque est parfois difficile à appréhender. Il faut revenir à la notion simple de « combien puis-je perdre ?». Les institutionnels utilisent de plus en plus des notions de perte maximale ou de Value at Risk (% du capital qui peut être perdu). Ces indicateurs de risque ne doivent pas être interprétés comme des garanties formelles mais comme des objectifs, des ordres de grandeur, et des limites à ne pas dépasser. Par exemple un institutionnel définira son cahier des charges comme suit : obtenir un rendement de 2% avec l’objectif de limiter la perte en capital à 3% sur un horizon de trois ans.
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Les indicateurs de risque sont multiples : échelle AMF (mais non proportionnelle, ie un risque 6 est plus de 2 fois plus élevé qu’un risque 3) ou volatilité. Ces indicateurs largement mis à disposition sont pourtant faciles à interpréter.
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Il existe des règles statistiques simples qui fournissent de bons points de repère. Par exemple, si un placement affiche une volatilité de 3%, plus de 9 fois sur 10, sa performance devrait être comprise dans un intervalle de plus à moins deux fois sa volatilité, soit entre -6 et +6%.
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De plus, observer historiquement sur une dizaine d’années par exemple (donnée que l’on trouve en général dans le DICI) les performances (moyenne, minimum, maximum) sur différents horizons permet de se faire une idée du risque encouru et de la vitesse à laquelle ces pertes peuvent être récupérées. A cet égard, le salarié dispose d’un énorme avantage puisqu’il a potentiellement 5 ans d’investissement devant lui.
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Enfin, pourquoi ne pas présenter dans les fiches de reporting outre les performances contre un indice de marché, les performes contre l’indice des prix à la consommation (ie inflation) pour mettre en évidence la primauté à protéger le pouvoir d’achat plutôt que le capital investi?
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