LE DEVELOPPEMENT DE LA GESTION PASSIVE FAIT-IL COURIR DES RISQUES NOUVEAUX ?
Si les gérants actifs disparaissent, qui portera une analyse critique sur la valorisation des titres ? Le marché deviendra-t-il moins efficient ?
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100% du marché ne saurait être tout indiciel. Mais où est la limite ? Sur le marché américain, la gestion passive représente plus de 30% des encours sans mettre en péril (loin s’en faut) l’efficience du marché. De plus, les intervenants sur les marches sont nombreux, (arbitragistes, gérants…). Toute inefficience, opportunité d’arbitrage est vite exploitée. Les marches financiers sont mondiaux, avec beaucoup plus d’acteurs qu’autrefois et beaucoup moins investisseur inexpérimentées ou irrationnels..
«Dès lors que les gérants passifs investissent dans les titres sans se préoccuper du prix, de la valeur et du risque, la valeur des actifs risque-t-elle de s’écarter des fondamentaux avec à la clé une mauvaise allocation du capital au niveau macro-économique ?
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La gestion passive peut accompagner la formation de bulles lorsque par exemple une dynamique haussière draine des capitaux à investir « sans discernement », notamment lorsque l’offre est bâtie autour d’indices pondérés par les capitalisations boursières.
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Aujourd’hui, la progression de la gestion passive fait que le flux entrant sur passif et le sortant sur actif favorise les performances de la gestion passive au détriment de la gestion active. Ceci nourrit la distorsion potentielle par rapport aux fondamentaux. D’où le fait par exemple que certains investisseurs s’intéressent à des investissements plus « mid-caps » que « large caps », moins surévalués car moins présents dans les indices.
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Le risque de bulle peut exister s’il est concentré sur certaines valeurs. On a cependant vu dans les années 2000 des gestions actives se précipiter sur les valeurs technologiques sans la prise de recul nécessaire.
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N’oublions pas non plus que les gérants passifs n’interviennent pas sur le prix relatif d’une société. S’il y a divergence avec les fondamentaux, c‘est que des gérants actifs n’auraient pas bien valorisé une action et n’en auraient pas profité. Le portefeuille d’un fonds indiciel ou d’un ETF se déforme comme l’indice, sans achat vente. De même, les flux vers le passif « diversifié » achètent tout le marché dans les proportions disponibles et donc c’est l’ensemble du marche qui monte (ou baisse).
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Enfin, rappelons que l’écart aux fondamentaux est la première source d’oxygène des gérants actifs… les variations de court terme peuvent cependant décourager des acteurs actifs qui ne seraient pas prêts à s’inscrire dans la durée.
Les 3 principaux gérants passifs concentrent à eux seuls près de 70% du marché. Ils se trouvent ainsi co-détenteurs de sociétés concurrentes. Cette situation risque-t-elle de réduire l’intensité concurrentielle au détriment des consommateurs et du progrès économique ...
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Il est difficile d’étayer ce point faute de recul suffisant. Néanmoins, la concentration du capital autour d’un nombre très restreint d’actionnaires couplée avec une tendance structurelle aux opérations de méga-fusion porte une ombre sur l’évolution de l’intensité concurrentielle dans les économies ouverte et constitue sans doute un point de vigilance.
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A l’échelle des épargnants toutefois, Les gestions passives sont aujourd’hui très peu chères et compétitives. Les économies d’échelles permettent de baisser les frais de gestion et tirent par contagion les frais des gérant actifs vers le bas. Le tout au bénéfice des investisseurs finaux
La gestion passive fait-elle courir d’autres risques spécifiques ?
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Les risques opérationnels sont proches. La gestion passive supporte le risque de marché. La gestion active supporte le risque de marché plus le risque de gestion active lié au choix du gérant … qui peut s’additionner ou se retrancher.
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la gestion active repose sur une équipe de gestion, une bonne compréhension du marché et de son processus d’investissement. Le risque de choisir une gestion active est d’avoir raison ou tort tout seul.
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La gestion indicielle peut faire courir deux risques :
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pondérer les valeurs les plus chères et sur la gestion indicielle obligataire sur-pondérer les émetteurs les moins solides
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détenir des titres présents dans certains indices alors même que leur détention est proscrite par certains traités ou certaines réglementations.
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La gestion passive coûte-t-elle vraiment moins chère que la gestion active ?
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On pourrait répondre à cette question par une autre question. A long-terme est-il possible de faire mieux que le marché ? Les exemples existent, mais il n’y a pas de certitude a priori. Des opportunités de marché bien que rapidement arbitrées subsistent également. La gestion active peut produire de meilleurs rendements nets de frais dès lors que les qualités du gérant sont persistantes, que l’univers recèle des opportunités (inefficiences), que le gérant dispose de suffisamment de temps et que les frais sont raisonnables. On observe une corrélation forte entre sous-performance des fonds et frais de gestion élevés. Cela suppose en outre de pouvoir identifier et suivre ces gérants ce qui n’est pas aisé. Une étude de Vanguard de juin 2010 intitulée « Mutual fund ratings and future performance 1992-2009 » et basée sur les notations Morningstar montrait qu’à peine 50% des fonds maintenaient leur notation douze mois plus tard.
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Plus impressionnant encore, les performances relatives des fonds dans les trois années qui suivaient étaient inversement corrélées à leurs notations.
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En fonction des classes d’actifs un mixte gestion passive pour les classes d’actifs les plus efficientes et gestion actifs pour les univers moins efficients peut être intéressant.
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La gestion passive coûte moins cher mais il faut veiller à son impact sur les volumes et le risque de création de barrières à l’entrée dans l’industrie de la gestion d’actifs.
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Traditionnellement, les phases de surperformance des valeurs moyennes ou des indices equi-pondérés sont favorables à la gestion active. De même des phases de marché sans grande tendance ou les périodes d’excès de liquidité et de bulles font la part belle à la gestion passive. Les périodes de retour aux fondamentaux peuvent être plus propices à la gestion active de même que les périodes de forte tension ou de crises dans lesquelles les gérants actifs disposent de marges de manœuvre et peuvent théoriquement prendre leurs distances par rapport aux réactions épidermiques des marchés

