QUELLES PRECAUTIONS PRENDRE ?
Tous les fonds obligataires subiront-ils la hausse des taux de manière identique ?
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Le risque obligataire peut se décomposer en deux risques principaux :
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Le risque de variation des taux d’intérêt qui se mesure par la variation du prix de l’obligation = hausse de taux x échéance moyenne des titres en portefeuille (duration). C’est ce risque qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque le risque d’une remontée des taux d’intérêt.
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Le risque de crédit ou risque d’émetteur (probabilité de ne pas être remboursé du capital)
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Le risque de variation du prix de l’obligation en fonction du niveau des taux d’intérêt dépendra directement de sa duration ou sa sensibilité (ce qui est la même chose).
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La sensibilité (aux taux d’intérêt) n’est pas la même selon les fonds :
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Fonds monétaire : sensibilité au risque de taux très limitée, inférieure à (1)
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Govies[1] short term : peu sensibles au risque de taux, sensibilité proche de (2-3), faible risque de crédit
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Credit[2] short term– Investment grade : peu sensibles au risque de taux, sensibilité proche de (2-3), risque de crédit modéré
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Credit High-Yield[3] : peu sensible au risque de taux, sensibilité proche de (3-4), fort risque crédit (proche à du risque action)
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Govies long terme ou All Maturities : très sensibles au risque de taux, proche de (7+), faible risque de crédit (normalement)
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La lecture du Document d’Informations Clés pour l’Investisseur (DICI) fournit peu d’éléments en matière de sensibilité. Sur le DICI, l’échelle de risque dépend de la volatilité, mais aucun élément sur la sensibilité en elle-même. Un fonds obligataire euro aura généralement un niveau de risque de 3/7. Un fonds obligataire euro court terme affichera plutôt un risque de 2/7. Le mieux est donc de se reporter au règlement du fonds ou aux reportings.
[1] Fonds « Govies » : fonds composés principalement d’obligations d’états (émises par les gouvernements)
[2] Fonds « Crédit » : fonds composés principalement d’obligations émises par des entreprises
[3] Fonds « Higk-Yield » : fonds à haut rendement, composés principalement d’obligations émises par des entreprises avec une moins bonne signature donc un risque plus important.
Quels types de fonds obligataires, d’outils, de gérants privilégier ?
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En cas de remontée des taux, il n’y a pas de miracle à attendre. Il faut se placer dans une optique de protection du capital. Il existe des produits de couverture (dérivés). Il faudra privilégier des portefeuilles de maturité moyenne réduite, sous forme de « barbell » c’est-à-dire investi à court et long terme et sous-investi sur les échéances moyen terme, avec une part de liquidité élevée afin de profiter des éventuels épisodes de volatilité.
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Attention aux fonds obligataires « crédit ». Si ces fonds permettent d’obtenir des rendements actuariels supérieurs, l’épargnant pourrait subir à la fois la hausse des taux d’état et la hausse des spreads[1] de crédit. Même si le risque de vivre à la fois une hausse des taux et une hausse des spreads est assez faible en théorie, la situation exceptionnelle que nous vivons pourrait y conduire, notamment si la BCE devait anticiper la fin de ses achats ou si elle communiquait mal sur celui-ci (cf la FED en mai-juin 2013). D’où la nécessité de maintenir une duration courte et de garder une importante réserve de liquidités.
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Les outils de protection existent, à chacun d’adapter le prospectus de ses fonds à sa philosophie et aux souhaits de l’épargnant final.
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Concernant la sélection des gérants, l’exercice est difficile car ceux-ci n’ont connu qu’un gigantesque « bull market[2]» sur l’obligataire depuis 30 ans. On peut néanmoins dresser le portrait robot du gérant idéal :
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Expérience (plus de 20 ans, ie ayant connu la dernière grande crise obligataire de 1994)
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Complémentarité des équipes (approche quantitative, contrôle des risques, produits dérivés, etc.)
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Flexibilité : un benchmark ou indice offrent un point de repère à long terme, tant pour le gérant que pour l’investisseur. Mais le gérant ne doit pas être prisonnier de ce benchmark. Il doit pouvoir s’en éloigner de manière significative pour le meilleur … et pour le parfois enregistrer des périodes de moindre performance
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[1] Le spread qui vient d'un mot anglais qui veut dire écart, désigne l'écart de taux actuariel entre une obligation émise par une entreprise et un emprunt d'État (sans risque).Le Spread mesure le risque de « Signature » ou de « défaut » de l’émetteur
[2] Bull Market : marché haussier
Des « stratégies » permettent-elles de profiter de la hausse des taux ?
On peut distinguer plusieurs types de stratégies :
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Des stratégies « traditionnelles » avec des allocations flexibles pouvant varier de 0-100% et des approches « non-traditionnelles » dites de performance absolue visant un rendement cible de (-x% +x%) et pouvant profiter des baisses de marché. L’exposition brute peut alors être potentiellement supérieure à 100% d’où un effet de levier.
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Les stratégies les plus robustes au risque de hausse des taux sont les stratégies de type « performance absolue », qui sont neutres aux facteurs « directionnels » (action, taux, crédit). Ces approches exploitent des opportunités d’arbitrage sur des primes de risque entre marchés ou secteurs : « Value », « portage » et Momentum. Elles profitent des divergences entre les marchés et résistent à la plupart des chocs, car elles sont peu exposés aux grands risques de marché (taux d’intérêt, valorisation des actions…)
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Les stratégies à « performance absolue » ou « flexibles directionnelles » permettent selon leur latitude de bénéficier de baisses du marché par le biais de« ventes à découvert ». Par exemple, stratégies de Credit total Return, Fonds flexibles, Hedge Funds Macro ou CTA[1] (Trend followers). Elles nécessitent de savoir anticiper et identifier les tendances (ce qui est souvent difficile). Ces stratégies reposent donc largement sur le talent du gérant, d’où un « risque gérant élevé » puisque trouver « la perle rare » n’est pas chose aisée.
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Pour les stratégies plus traditionnelles, on peut aménager les portefeuilles selon les scénarii envisagés
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En cas d’anticipation de croissance forte ou de retour à un cycle inflationiste :
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On pourra préférer les fonds d’obligations High-Yield, avec une duration modérée (<4)
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Ou des Actions style « Value » sur la zone Euro
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En cas d’inflation non anticipée :
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On pourra préférer les fonds d’obligations indexées (attention au risque de liquidité et à l’exposition en duration sur le risque de hausse des taux réels)
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Ou pour les plus téméraires un mix de titres émergents (Action, Cash, Devises émergentes
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[1] Hedge funds qui investissent en fonction d’anticipations macro-économiques ou de stratégies discrétionnaires
Faut-il encourager les salariés à arbitrer davantage ?
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Attention à ne pas arbitrer exagérément. On observe que plus la fréquence d’actes de gestion est faible, plus les rendements à long terme sont élevés (différence de -6% annualisée entre investisseurs non-actifs vs actifs dans une étude de Barber et Odean (2000), “Trading Is Hazardous to Your Wealth : The Common Stock Investment Performance of Individual Investors”, Journal of Finance, April 2000 ).
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La première chose à faire : identifier sa tolérance au risque en période de turbulence extrême. Il est souhaitable de :
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Réfléchir plutôt à augmenter la diversification et équilibrer son expositions aux différents risques mentionnés (inflation non anticipée, croissance inflationniste, crédit)
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Privilégier les actifs qui protègent contre les risques de long terme : contre l’inflation en « accroissant» son exposition vers les actions, les stratégies diversifiées flexibles ou à performance absolue et un mix de titres émergents en cas d’anticipation de retour durable de l’inflation et de difficultés à supporter la volatilité d’actifs de type purement action.
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ou sur positionner sur des investissements moins sensibles aux grands risques de marché que sont l’exposition traditionnelle aux marchés obligataires et actions.
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Les entreprises quant à elles, ne peuvent et ne veulent bien évidemment pas « conseiller » leurs salariés. En revanche elles peuvent proposer des supports de placement diversifiés avec différents profils leur permettant de réallouer leur épargne à tout moment. Des fonds assortis de garanties peuvent également compléter la panoplie. Enfin, procéder à des versements réguliers reste un bon moyen de limiter les risques sur la durée.
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En résumé, l’épargnant devrait suivre deux règles :
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Se fixer un cap et s’y tenir. Ce cap correspond à l’horizon d’investissement et au niveau d’acceptation du risque à court terme.
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Diversifier. Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. C’est vrai pour une action, c’est vrai pour un fonds et c’est vrai pour un gérant. Ce qui explique sans doute le bon développement des fonds diversifiés ces dernières années.
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